When the sun goes down (Oskar)

@"Kamila Monroe"

t'erres dans les rues sans but précis. nikki t'a foutu à la porte. où est-ce que tu pourrais bien aller? t'avais songé à appeler taïssa, mais tu savais qu'elle était déjà occupée à supporter son abruti de mari. c'était pas facile de son côté. et toi t'étais pas encore prêt à parler de ce qui n'allait pas dans ta vie. de ta prise de bec avec nikki. alors tu te ballades. comme si tu cherchais un endroit où aller, avec une clope entre les lèvres. tu l'allumes et tires dessus. à force de marcher, tu te retrouves dans l'east side, le quartier malfamé de la ville. c'était pas toujours bon de traîner dans le coin la nuit. y avait pas mal de trucs qui tournaient, suffisamment pour te retourner la tête. au détour d'une rue, t'entends un mec gueuler. t'as l'habitude. t'allais tracer ta route quand une voix féminine surgit. autant ça te dérangeais pas si deux mecs se tapaient dessus, autant si un mec abusait de sa nana, fallait que tu joues au héro et que t'interviennes. t'aimes pas les enculés qui frappent leur copine. elles sont plus faibles et incapables de se défendre. c'était des petits être fragiles à tes yeux. fallait leur porter secours. tu finis par tourner la tête, ta clope tombe au sol. dans la pénombre t'as un peu de mal à décrire la scène alors tu t'avances. t'entends de nouveaux cris. des pleurs. à priori y a deux nanas et un seul mec. en tout cas, c'est ce que tu devines. tu vas me le payer sale p*te! t'entends une des filles gémir. tu vois le mec la plaquer contre un mur. elle avait déjà pas fière allure. t'aperçois l'autre fille, qui se tord et gigote sur le sol. toutes les deux battues. ton sang ne fit qu'un tour. quand t'arrives à la hauteur du gars, tu pestes. "enfoiré, t'aimes t'en prendre à plus faible que toi?" tu l'attrapes par le coup et le tire en arrière. sans jeter un regard à la fille, tu cognes le gars. tu l'assommes de coups. t'as le feu en toi. le cerveau en ébullition. tu réfléchis plus, tu le plaque au sol et le tabasse. il se défend, tu prends des coups aussi. t'as le regard sombre, les traits durs. putain mêle toi de ton cul. tu l'entends vaguement se plaindre. que t'ailles te faire foutre? sûrement pas, c'était trop facile de frapper une femme. qu'il s'en prenne à quelqu'un de sa taille. de son envergure. même si tu paraissais un peu plus épais que lui.

@"Kamila Monroe"

t'as la rage au ventre. t'écoutes que tes poings et le bruit des coups qui pleuvent sur sa gueule. t'en viens même à oublier la présence des deux nanas. t'écoutes plus que ton instinct qui te dit de lui fracasser la gueule. c'était comme libérateur, t'avais l'impression de frapper un sac de boxe, sa tête un punching-ball. il te colle son poing dans la gueule. dans les dents. t'as la lèvre éclatée. et c'est seulement quand la fille essaie de vous séparer que tu comprends ce que t'es entrain de faire. l'autre fille qui hurle pour que tu le lâche. que c'est son mec et qu'elle l'aime. quelle conne. au début tu repousses celle qui agrippe vos bras, d'un revers. tu le frappais même plus pour les bonnes raisons. t'avais juste envie de te soulager. de libérer cette colère cachée en toi depuis trop longtemps. il aurait vraiment pas dû croiser ton chemin c'gars là. t'entends une voix. sous le coup de la colère, tu comprends pas ce qu'elle dit. puis elle s'interpose. elle te parle à nouveau. t'as le visage fermé. les sourcils froncés et les yeux assombrit par ta féroce envie d'en découdre. oskar. tu finis par entendre ton nom. t'entends cette voix prononcer ton prénom. cette voix qu'essaie de te calmer, de te rassurer. qui te supplies même d'arrêter. t'as le regard dans le vide. tes émotions chamboulées et le gars qui gémit au sol. la fille devant toi, tu finis par poser les yeux sur elle. brouillée par la colère, tu ne la reconnais pas au début. elle te pousse en arrière pour t'éloigner de ta victime. tu la laisse faire. tu souffles un coup, ton cerveau tente de reprendre le dessus. après quelques secondes à observer le visage de la fille, tu finis par revenir à toi. les poings toujours serrés. tu la reconnais. la pianiste. il avait abîmé son doux visage, l'enfoiré. et merde, c'était quoi son nom déjà? ses doigts sur tes joues gomment ta colère et font fuir la noirceur de ton regard. tu jettes un œil sur l'enfoiré. tu l'as mis dans un sale état. sa meuf essaye de le relever. quelle bouffonne. "barres toi avant que j'te bute", tu le menace le poing en l'air. tu grimaces. parler t'écorches un peu plus la lèvre. tu reposes tes yeux sur elle, toujours face à toi. t'es incapable de te souvenir de son prénom. nina? samantha? lola? sans doute aucun de ces trois-là, ça te disait rien. pourtant tu te souvenais bien de son visage. de son air angélique et de ses yeux émeraudes. tu fermes les yeux et souffles à nouveau. t'essaies de reprendre pleinement conscience de ton corps. de tes émotions, afin que la rage s'estompe.  

@"Kamila Monroe"

t'avais le don pour t'attirer des emmerdes. tu sautais toujours sur le premier type qui te cherchait des noix. le premier qui te manquait de respect. c'était inscrit en toi. ce poison coulait dans tes veines. t'adorais ressentir les effets de l'adrénaline sur ton corps. à force t'en étais devenu accroc. sarah. voilà son nom. tu l'avais sur le bout de la langue mais t'arrivais pas à l'articuler. il était bloquer, là. t'as pas la mémoire des noms. à la place, tu préfères réduire les gens à une qualité, une caractéristique ou un événement. elle, c'était la pianiste. ça au moins tu pouvais t'en souvenir. et tout le reste te revint en mémoire. sa façon de gober les cacahuètes et l'italien où tu l'avais emmené dîner. "sarah.." tu souffles doucement. comme si son prénom allait se graver en toi pour de bon. "qu'est-ce que tu fais là?" dans un quartier aussi dangereux. les gars comme lui, t'en croisais à presque tous les coins de rue. si t'avais pas été là, elle aurait mal fini. t'aurais pu le tuer si elle t'avait pas retenu. si elle t'avait pas raisonné. tu l'écoutes. elle a raison, t'allais avoir des emmerdes si t'insistais trop. il avait eu que ce qu'il méritait. t'observes sarah, qui le menace à son tour. t'écoutes ce qu'elle dit, attentif à la réaction du type. qu'il recommence pas. qu'il fasse pas le malin avec toi. mais t'es bien content parce qu'ils finissent pas partir. femme soumise. tu portes la main à ta lèvre. ça pique. elle était bien amochée, un peu de sang s'en échappait. tu l'essuie d'un revers de la main. "oui ça va aller." t'as déjà vu pire. "et toi, t'as mal quelque part?" tu cherches les traces de ses coups sur son visage, sur ses épaules, sur ses bras; inquiet de la douleur qu'elle pouvait ressentir. merde. si t'étais arrivé plus tôt, elle serait pas dans cet état. tu parles doucement. ton cœur se calme. le pic d'adrénaline est passé. t'écoutes sa voix apaisante. le ton qu'elle emploie, ses yeux scrutant les tiens. tu plonges dans son regard. tu cales ta respiration à la sienne. t'apprécies l'étreinte qu'elle t'offre, son souffle dans ton cou. tu passes une main dans son dos. t'humes l'odeur de fleurs dans ses cheveux. elle te remercie. t'avais fait que ce que ton instinct te dictait. "j'suis désolé sarah..." qu'il l'ait frappé. elle avait juste voulu bien faire. désolé aussi que t'es perdu le contrôle. de lui avoir montrer à quel point la violence pouvait te contrôler, t'habiter. "mais tu dois pas traîner ici, c'est dangereux." tu relâches ton emprise. elle s'éloigne.

@"Kamila Monroe"

"t'es sûr, t'as pas l'air bien pourtant?" tu passes les doigts sur sa joue rougie. rien que pour ça t'aurais pu en coller une autre au type. heureusement pour lui, il s'était tiré avec sa meuf. tu l'avais vu, elle avait pris des coups assez rudes. elle sentait peut être rien pour le moment, mais demain matin elle douillera sûrement. t'étais tellement désolé pour elle. elle méritait pas ça. elle avait juste été trop courageuse de se confronter à un type comme celui-ci. t'aurais préféré prendre les coups à sa place. toi t'as l'habitude. ça te définit. face à des situations comme celle-ci, tu peux pas t'empêcher de penser à ta mère. comme tu l'avais lâchement abandonné aux mains meurtrières de ton père. depuis tu t'es promis de ne plus jamais faire preuve de lâcheté. t'as aucunement envie de revivre ce calvaire. "je me suis emporté. t'as pas mérité ce qu'il t'a fait." c'est une fille bien. t'aurais sans doute pu aussi te contenter de lui coller un simple coup de pied au cul et d'appeler les flics. mais ceux-là, moins tu les voyais, mieux tu te portais. comme si ils allaient croire un ex-taulard. "je comprends mais la prochaine fois, fais moi plaisir évite de t'en mêler." tu seras pas toujours là pour voler à son secours. déjà elle avait de la chance que t'ais pas tracé ta route. parce que t'étais sur le point de le faire jusqu'à ce que tu l'entendes. oui, c'était sa voix que t'avais entendu. maintenant tu la reconnaissais. tu soupires. "pas la peine, j'ai l'habitude." d'avoir la lèvre en sang. de prendre des coups. parfois même, tes tatouages cachaient les bleus. mais elle insiste. elle voulait t'aider. faire preuve de reconnaissance et de gratitude. alors tu finis par accepter de la suivre. un peu à l'aveugle. sans vraiment savoir où elle allait t'emmener. à l'hôpital sûrement. mais non. finalement, elle te ramène dans un appart. sans doute le sien. pourtant elle t'avait dit n'être que de passage. peut-être est-ce celui d'un de ses amis. tu cherches pas à savoir. ça te regarde pas. elle avait bien le droit de faire sa vie. t'aurais jamais pensé la revoir. vous aviez passé une bonne soirée, mais c'était tout. tu la suis à l'intérieur de l'appart jusqu'à la cuisine. tu jettes un œil avant de t'asseoir. déco plutôt féminine. personne pour vous accueillir. vous étiez seuls. "t'as de l'alcool?" pour désinfecter. bien que tu bourrais bien une gorgée ou deux pour faire passer le goût atroce de sang dans ta bouche.

@"Kamila Monroe"

t'es sceptique quand elle te dit aller bien. t'espérais au moins que c'était pas trop grave. tes yeux se baladent sur elle. de son visage à son corps. elle était si douce. t'étais si violent. c'est pour ça qu'elle avait réussi à te calmer si facilement. tu commençais à apprécier sa présence. même si t'étais étonné de l'avoir en face de toi. t'aurais tout aussi bien pu tomber sur une inconnue. quelle probabilité pour que tu passes là au bon moment? tu croyais pas au destin, à toutes ces conneries. tu l'écoutes parler. t'entends ses remerciements. puis ses remarques. le sourire sur tes lèvres disparaît. elle connaissait rien de toi. trop peu. à présent, elle devait te voir comme un gars violent, capable de péter un plomb d'un claquement de doigts. ça et les avances que tu lui avais faite la dernière fois, le portrait n'était pas très charmant. mais c'était toi. c'était tes défauts. "j'ai pas de famille. y a que moi." nikki, c'était que la petite conne qui te collait aux pompes, qui se croyait importante. mais t'étais seul. et ça t'allait. "je suis désolé que t'ais vu ça..." tu grimaces. "..mais on change pas qui on est. je m'énerve trop vite, je le sais." t'es sanguin, c'est tout. t'omets de lui dire que ça t'avait déjà fait défaut et que t'avais pris cinq ans de taule pour coups et blessures. "tu fais pas le poids face à des mecs comme lui mais t'es une fille bien." elle avait que des qualités. le cœur sur la main. elle te faisait penser à taï. elles pourraient être amies toutes les deux.

t’apprécies le contact de ses doigts dans ta main quand elle t’emmène chez elle. elle était plus calme que toi. elle avait la tête sur les épaules. elle ne pensait qu'à faire le bien, jusqu'à être au petit soin pour toi. son héro. tu te dis qu'elle est reconnaissante et que c'est son moyen à elle de te dire merci. de te rendre la pareille. tu t'étais battu pour elle. pour la tirer des griffes de ce fou. elle allait panser tes blessures. assis au milieu de sa cuisine, tu l'observes avec sa trousse à pharmacie. sa façon de verser l'alcool sur le coton. son regard quand elle te dit attention. quand elle s'excuse. c'est pas sa faute si t'as la lèvre fendue. tu restes immobile. le coton sur la lèvre. oui ça pique mais t'as l'habitude. à force, tu sens presque plus rien. elle te surplombe, t'as la tête levée. la bouche entrouverte, pour qu'elle puisse bien te panser. tes yeux s'attardent sur ses lèvres. les siennes étaient parfaites, en bien meilleur état. puis tu t'attardes sur ses yeux émeraudes, la couleur parfaite. elle est délicate. elle ne veut pas te faire mal alors elle appuie doucement sur le coton. tu te sens vulnérable sous ses doigts. t'as l'impression que si tu fais un faux mouvement, elle va s'échapper. que si tu dis un mot trop osé, elle va se braquer. "on dirait que t'as fait ça toute ta vie.." que t'articules péniblement. quand elle recule, qu'elle lâche ta lèvre; t'inspectes ton corps. tu soulèves ton tee-shirt. t'as quelques marques. t'auras des bleus demain. mais c'est pas très grave. tu tâtonnes sur ton ventre. la douleur t'arrache une grimace. "c'est rien, ça va." tu te veux rassurant. tu veux pas qu'elle s'inquiète. t’enchaînes sur autre chose, un autre sujet, mais t'avais peur de l'effrayer. "dis, tu crois que j'peux dormir ici ce soir?" t'avais nul part où aller. avant qu'elle dise quoi que ce soit, tu préfères compléter. "j'prendrais le canapé." tu lui souris, doucement, pour pas la brusquer. tu veux pas qu'elle croit que t'essaies de profiter d'elle. de la déshabiller. même si t'accepterais bien un peu de réconfort.

@"Kamila Monroe"

tu l'écoutes, attentivement. ça te faisait plaisir ce qu'elle te disait. t'avais l'impression qu'elle commençait à t'apprécier. que tu comptais un peu. elle avait de l'estime pour toi. ce que peu de gens éprouvait. " tu crois ça?" lui lances-tu en plaisantant. qu'elle pourrait être aussi forte que toi? avec ses bras tout fins. tu pourrais l'affronter mais t'étais sûr de gagner. en plus, tu frappes pas les femmes. t'aurais trop peur de la casser. elle était fragile. ou c'est ce que tu voulais croire. qu'elle garde son innocence et sa bienveillance. ce sont des qualités rares de nos jours.

ta remarque la fit sourire. t'aimais voir ses lèvres s'étirer. tu voyais pas trop le rapport entre la musique et la médecine. c'était deux domaines bien différents. très opposés. t'as jamais eu d'ambition de carrière. tout ça parce que t'as atterri dans la vie d'adulte beaucoup trop vite. on t'a éjecté dans un monde de requin. t'aurais pu faire des études. t'avais prévu de devenir quelqu'un mais la vie t'a coupé l'herbe sous le pied. t'as pas les moyens de faire quelque chose de ta vie. alors tu la mène au mieux. tu fais comme bon te semble. même si c'est loin d'être parfait. "et pourquoi la musique?" c'était pas un choix égoïste, elle avait tout les droit de suivre son cœur. elle devait avoir une bonne raison pour avoir choisi la musique. en tout cas, elle était pas mal dans le rôle de l'infirmière. elle était rassurante, gentille et attentionnée. elle prit soin de ta lèvre avec délicatesse. "tu sais, c'est pas égoïste de suivre son cœur." tu plonges ton regard dans le sien avec tendresse. c'était tout à fait louable. ça prouvait qu'elle était elle-même. elle avait juste à suivre son cœur. toi, t'étais plutôt du genre à écouter ta tête. jamais ton cœur. t'as arrêté ça depuis bien longtemps. d'aimer. ta proposition avait instauré un moment de gêne. un blanc que tu trouvais trop long. merde, t'avais l'impression de voir la peur dans son regard. t'aimerais juste pas qu'elle te colle à la porte. t'avais pas envie de dormir dans la rue. d'un coup t'as l'impression d'abuser de sa gentillesse. t'allais même presque retirer ta demande quand finalement elle te propose de prendre la chambre d'ami. le canapé aurait suffit. t'avais pas besoin du confort d'un lit. tu voulais pas la déranger. "t'es sûr? le canapé ça m'va... mais.. tu me dis si ça t'embête, je m'en irais." après qu'elle est finie de nettoyer tes plaies et de t'avoir redonné du baume au cœur. t'aurais bien besoin d'un peu de tendresse. d'un peu d'affection. tu voulais qu'elle te montre plus d'intérêt mais t'avais la très nette impression de te faire des idées. tu savais pas si tu pouvais la séduire. elle avait vu tout les mauvais côtés de ta personnalité. elle devait sûrement fréquenter des mecs plus intéressants. plus respectables que toi. t'es entêté, tu veux pas qu'elle voit les ecchymoses sur ton corps mais elle insiste. alors t'enlèves ton tee-shirt. t'es torse nu dans sa cuisine. les tatouages apparents. tu lui avais déjà dit que t'en avais un sacré paquet. t'avais pas menti. ils remontaient des mains aux épaules. t'en avais aussi sur le torse, les flancs et le dos. t'aimais te dire que t'étais une toile et que c'était un tableau. y a de la couleur, du noir et blanc. t'en avais aussi sur les jambes, les cuisses mais ceux-là elle les verrait plus tard. tu poses les yeux sur tes épaules, l'une après l'autre. t'as des écorchures. rien de très sérieux. puis tu reportes ton regard sur elle qui t'observe minutieusement. "je m'en remettrai, c'est pas grave". tu sens son regard sur toi. ses doigts sur ta peau. merde. elle te faisait de l'effet même dans cet état. tu te mords la lèvre supérieure doucement, en espérant qu'elle n'ait pas vu. trop intéressée par tes blessures, tes tatouages. tu finis par fermer les yeux. t'allais résister. résister à l'envie de la serrer dans tes bras et de l'embrasser. t'attendras qu'elle fasse le premier pas. t'avais trop peur de sentir sa main claquer ta joue.

@"Kamila Monroe"

elle insiste pour que tu prennes la chambre. soit. t'allais pas refuser, même si c'était sans doute trop. t'avais l'impression de t'immiscer dans son intimité. et t'étais pas persuadé que ce soit une bonne chose. mais au moins t'aura un toit sur la tête ce soir. au bout d'un moment, ça finira par t'user de devoir bouger tous les jours. plus les jours défileront et plus vite tu songeras à appeler taï. tu le fera peut-être demain. ou dans une semaine. "merci sarah." tu prononces son prénom doucement, soulagée qu'elle accepte ta présence dans sa demeure. elle était aussi têtue que toi parce qu'elle voulait à tout prix soigner la moindre de tes blessures. comme si t'allais mourir d'une petite écorchure. c'était touchant. elle aurait fait un super médecin. vraiment. t'as pas l'habitude qu'on prenne soin de toi comme ça. ça te fait du bien, d'avoir un peu d'attention de la part d'une femme. nikki, elle était bonne qu'à te gueuler dessus ou à t'insulter parce que tu faisais des conneries. tu voulais lui répondre que dans deux jours y aurait plus rien, mais finalement tu te retiens. tu te contente de la laisser désinfecter tes plaies. toi les yeux fermés et ses doigts qui courent sur ta peau. c'est une sensation agréable qui contrebalance bien avec la douleur qui provenait de ton ventre. rien de cassé mais il avait quand même bien porté son coup ce con. tu la laisse finir. elle t'applique une pommade. tu savoures ses multiples micro-massages. et quand ses doigts quittent ta peau, tu rouvres doucement les yeux, pile au bon moment. comme s'ils te manquait déjà. tu la vois se mordre la lèvre. tu l'aurais bien mordu toi même. dans tes rêves. t'avais cet effet sur les femmes. ta carrure rassurait. tes tatouages séduisaient. ça te donnait un côté sauvage. ses yeux se baladent sur ta peau, elle observe la colombe. maman. puis ses doigts se posent sur l'une des plus importantes pièces. celle qui recouvre ton torse. elle en connaissait la référence. elle trouvait ça beau. "tu connais?" c'est ce que maman te répétait. suivre ta voie. ton bonheur. ta vie. mais tu l'avais mise en suspend depuis. ce tatouage, il était là. pas très loin de ton cœur pour une raison. t'hésites un instant avant de continuer. "c'est ce que ma mère me racontait quand j'étais petit." tu parlais jamais d'elle à personne. pas même à nikki. toutefois t'iras pas plus loin. t'en dira pas plus. elle avait pas besoin de connaitre toute l'histoire. encore moins les détails morbides. "je suis content qu'il te plaise." il était déjà vieux mais toujours aussi beau, comme au premier jour. t'étais étonné qu'elle puisse connaitre. mais ça prouvait bien qu'elle était cultivée. qu'elle était loin d'être une coquille vide.

@"Kamila Monroe"

elle se montre encore plus intéressante quand elle affirme adorer campbell. d'habitude ton tatouage passait inaperçu. personne n'en comprenait jamais la signification. elle était plus cultivée que toutes les nunuches que tu sautais. elle était différente. y avait quelque chose en elle qui provoquait chez toi un intérêt grandissant. tu savais pas quoi mais elle piquait ta curiosité. t'avais envie d'en savoir plus pour une fois. de creuser un peu plus en profondeur. tu sentais qu'elle le méritait. que c'est ce qu'elle voulait. parce qu'elle t'avait pas dit non sans raison. t'avais envie de savoir ce qu'il la retenait de tomber dans tes bras. t'avais promis qu'elle y serait bien, pourtant. campbell, ça vous faisait encore un point commun. décidément. "c'est bien." t'acquiesces de la tête par politesse. t'étais impressionnée. ses doigts reprirent leur valse sur ton torse. tu suis des yeux son index tracer l'encre sur ta peau. une caresse appréciable, tout bonnement appréciée. tu poses ta main sur la sienne, englobant ses doigts des tiens. t'appuies sa paume sur ta peau. ton pouce effleure la sienne et cajole ses doigts. ses lèvres volent jusqu'à ta joue où elles déposent un baiser. un sourire apparaît alors sur ton visage. ses mots te touchent. c'est ce qu'elle t'avait dit au bar. que tu valais mieux que ce que t'acceptais de montrer. alors est-ce qu'elle continuerait encore à te repousser? jusqu'à ce que tu lui ouvre complètement ton cœur? hors de question. tu briserais ses illusions en lui avouant la vérité. à mesure qu'elle chuchote dans ton oreille, tu respires son parfum délicat. son souffle dans ton cou. sa main se dégage de la tienne et se place sur ton épaule. en s'éloignant, elle te demande ce que tu veux manger ce soir. tu tournes la tête et regarde l'heure sur la pendule accrochée au mur. 20h30. "prends ce que tu veux ça m'ira très bien." déjà qu'elle acceptait de te laisser dormir ici, t'allais pas faire ton difficile. tu te lèves enfin de ton siège avant d'attraper ton tee-shirt. tu l'observes. elle est concentrée sur son téléphone. ses sourcils sont froncés. ses doigts pianotent sur les touches. tu bascules la tête sur le côté, tout sourire. elle est jolie. tu la contemple quelques minutes avant qu'elle ne redresse la tête. ses yeux se perdent à nouveau dans les tiens. non, t'as aucun problème avec le chinois. t'étais juste trop occupé à la contempler. finalement, tu préfères abandonner. c'est toi qui fera le premier pas. tant pis si elle te colle son poing dans la figure, au moins t'auras essayé. alors tu t'approches doucement d'elle. à pas de loup. tes doigts se posent docilement sur son menton. t'avances ton visage du sien, espérant qu'elle ne fuira pas. et tu viens déposer tes lèvres sur les siennes, délicatement. lentement tes doigts caressent son menton. quand tu voulais, tu pouvais te montrer doux aussi. quand vos lèvres se décrochent, tu guettes sa réaction. t'aurais peut-être pas dû mais c'était tellement bon. "désolé. j'aurais peut-être dû demander avant de faire ça." mais t'avais apprécié goûter à ses lèvres. elles étaient aussi douces que ce que tu avais imaginé.

@"Kamila Monroe"

ses lèvres sont délicieuses et l'odeur de ses cheveux flotte dans tes narines. t'es persuadé qu'elle va te repousser. pourtant tu sens ses lèvres bouger contre les tiennes. elle est réceptive. et quand tu t'éloignes un peu d'elle, elle te rattrape. son regard est fuyant. tu vois qu'elle hésite. elle ne répond pas. elle ne bouge pas. en l'embrassant, tu l'avais mise mal à l'aise. t'avais pris possession de ses lèvres sans la prévenir. toi, t'en avais envie mais pas elle. c'est ce que tu craignais. qu'elle se refuse à toi, encore une fois. qu'elle s'échappe. que tu lances un froid entre vous. t'avais pourtant si chaud. elle dépose finalement son pouce sur tes lèvres avant de prononcer quelques mots. que t'arrêtes de t'excuser. t'avais pas voulu la brusquer. c'est vrai que tu t'excusais trop aujourd'hui. d'habitude t'es du genre à dire ce que tu penses, à affirmer ce que tu veux. t'es plus sûr de toi. mais tu t'adoucis en sa compagnie. et maintenant c'est elle qui t'embrasse. pour ton plus grand plaisir. elle le fait avec plus d'intensité. plus d'envie. alors tu passes tes bras autour d'elle et tu la sers tout contre toi. ses cheveux libres chatouillent tes épaules. tu profites de son baiser comme si c'était le dernier. tu veux plus la lâcher. ta main droite caresse son dos, jusqu'à ce qu'elle achève ce baiser et recule. t'en est sûr maintenant, elle vaut la peine d'attendre un peu plus. elle n'est pas si indifférente à ton charme. elle est peut-être pas si fermée que ça à l'idée de passer une nuit dans tes bras. alors tu lui adresse un joli sourire avant de relâcher complètement ton étreinte toi aussi. "tu commandes? je reviens." tu l'abandonnes quelques minutes. tu te promène dans son appartement, toujours torse nu; le tee-shirt sous le bras. tu passes par le salon où t'aperçois un piano. il trône fièrement au milieu de la pièce. ça t'étonnait même pas. puis tu déambules ensuite dans le couloir, ouvrant toutes les portes à la recherche de la salle de bain. tu tombes sur une chambre. sa chambre, t'y jettes un œil furtif avant de refermer la porte. enfin, tu trouves la bonne porte. c'est moderne. tu t'y engouffres. tu te regarde dans le miroir, tu fais peur à voir avec ta lèvre gonflée. tu fais couler l'eau, puis te mouille le visage. tu balances ta tignasse en arrière avant de t'essuyer. ça fait du bien. t'observes les ecchymoses dans le miroir puis te rhabilles. en revenant vers elle, tu la trouve dans le salon assise sur le canapé, pas très loin du piano. "j'aurais dû me douter que t'en avais un chez toi," que tu dis en pointant l'instrument du doigt. c'était tellement évident. puis tu la rejoint sur le canapé. tu t'assois juste à côté d'elle, en attendant le livreur.

@"Kamila Monroe"

le piano, c'était son instrument. ça tu l'avais compris. mais il était là, au milieu du salon. il était immense et vernis. quand elle t'en parle, qu'elle te raconte l'histoire de ce piano; tu comprends à quel point elle en est fière. il devait avoir une grande valeur sentimentale à ses yeux. t'avais du mal à imaginer que quelqu'un puisse autant s'attacher à une chose, mais c'était sa passion après tout. quand elle prononce le nom kazakh, tes yeux s'écarquillent. t'as aucune idée de qui c'est et son nom t'es imprononçable. elle, elle le dit d'une traite et c'est ça qui t'étonnes le plus. elle a cette facilité innée. incroyable. ça te surprendra toujours de l'entendre parler sa langue. et en même temps t'es gêné, parce que ce qu'elle te dit te fait te sentir comme une merde. t'as l'impression que tu vaux rien. elle rend fière son pays. toi t'es même pas foutu de rendre fier ta sœur. t'as aucune aptitude particulière. cette histoire, ça ressemble de plus en plus à la belle et le clochard.  en plus t'es à la rue. la belle ironie de la vie. alors poliment, tu lui souris mais t'en pense pas moins. tu détournes le regard d'elle. tu regardes le piano et t'essaies de l'imaginer derrière à jouer. si t'es sage. sa remarque ressemblait vaguement à celle que tu lui avais faite la dernière fois. simple hasard? tu secoues nerveusement la tête de gauche à droite pour faire fuir l'idée que t'as dans la tête. celle qui te dit que t'as sûrement rien à foutre ici. qu'elle est trop bien pour toi. parce que tu te faisais sûrement trop d'idées. "et si je suis vilain, qu'est-ce que tu fais?" un sourire sincère réapparaît sur tes joues. presque taquin. t'as bien une idée derrière la tête mais tu te garde bien de lui dévoiler. "un film c'est bien." au fond t'espérais juste qu'elle mette pas un film à l'eau de rose, parce que ce serait foutrement chiant. un film d'horreur pourquoi pas. t'as pas joué à des jeux vidéos depuis ton adolescence. autant dire très longtemps. et ça te disait pas. "hm?" tu fronces les sourcils, dans l'attente de sa question. t'aurais dû t'en douter. elle voulait savoir pourquoi t'avais besoin d'un toit. tu pourrais lui mentir sur la vraie raison. à défaut de connaitre tout tes problèmes, elle méritait au moins de savoir pourquoi un inconnu voulait dormir chez elle. alors tu hoches la tête, pas très fier. "c'est ça. normalement je vis chez ma sœur mais on s'est disputé." t'omets quelques détails jugés trop vulgaires. "mais si ça te dérange pas, je préférais qu'on évite d'en parler." y avait rien de bon à dire de tout ça. c'était trop personnel. trop intime. ça la regardait pas.

@"Kamila Monroe"

jouer. c'est quoi jouer pour elle? parce que peut-être que ça te déplairait pas d'être réveillé à 6h du matin par une jolie fille. tu doutes quand même que c'est ce qu'elle voulait dire. t'es plutôt grognon le matin. t'as besoin de temps pour bien te réveiller. sinon ça te met de mauvaise humeur et t'es exécrable toute la journée. alors entre les deux, qu'est-ce qui était le mieux? "j'vais être sage alors." même si tu voulais quand même qu'elle vienne se glisser dans ton lit au petit matin. à défaut d'y passer la nuit. t'es songeur depuis quelques minutes. t'étais capable de passer d'une humeur à l'autre en un claquement de doigt mais tu voulais quand même pas qu'elle le remarque. ton malaise. tes problèmes ne la regardaient pas. t'avais une vie misérable à côté de la sienne. t'avais pas envie de lui en parler. d'à quel point tu ratais ta vie. et elle dit comprendre, pourtant tu entends dans sa voix un peu d'inquiétude. tu déposes tes yeux sur elle. t'es en train de tout gâcher. elle mérite pas tes sauts d'humeur. alors forcément quand elle te demande ce qui ne va pas, si elle a dit quelque chose de mal, tu hoches la tête négativement. c'est pas sa faute. "c'est pas de ta faute. j'ai pas une vie facile, c'est tout." et tu te serais bien passé d'y penser là tout de suite. tu tends la main pour attraper la sienne, que tu cajole. tu bascules ta tête en arrière, la déposant contre le dossier du canapé. "j'suis pas un mec très joyeux tu sais. j'ai dû me battre toute ma vie pour survivre." tu tournes légèrement la tête pour la regarder. "t'es une fille bien sarah." trop bien. elle, elle s'est battue pour ses rêves. toi tu les a laissé de côté et t'es devenue une sombre merde. "j'ai pris cinq ans pour avoir tabasser un mec. alors tu vois, j'suis pas si différent que tu le pense." tu souffles. tu lui ouvre à peine ton cœur. et ça t'écorche les lèvres de le dire parce que tu sais que c'est le détail qui fait peur à toutes les nanas. tu sais qu'elle aussi elle va te repousser. encore un peu plus. alors tu relâches sa main, comme pour lui épargner de le faire elle-même. t'as jeté un froid polaire. t'as lâché ça comme une bombe. et ce soir t'as bien failli remettre ça. si elle t'avait pas arrêté, t'aurais direct repris le chemin de la prison. finalement, c'est le bruit de la sonnette qui vient briser le silence. sans doute le livreur. 

@"Kamila Monroe"

est-ce que t'y pensais? est-ce que t'y avais repensé depuis ce jour-là? en cinq ans, ouais, t'avais eu le temps de ressasser ça dans ta tête. mais le problème, c'est que tu te souvenais pas franchement de ce soir là. je crois que t'étais trop bourré pour percuter. c'était qu'après avoir décuvé que t'avais appris que tu t'étais pris la tête avec un mec. tu te souvenais même plus de la raison. le seul truc qu'on t'avais dit c'est qu'il était à l'hôpital parce que tu l'avais pas raté. mais après t'as jamais eu de nouvelles. t'en a jamais demandé parce qu'à quoi bon? t'étais derrière les barreaux. t'avais pris cinq ans, le gars devait bien être content lui. c'était énorme cinq ans pour une baston. mais comme t'étais déjà connu chez les flics, forcément ils t'ont collé une peine plus lourde. fallait que tu retiennes la leçon. en la regardant, t'arrives à lire la déception de ses yeux. qu'est-ce que tu pourrais bien dire pour arranger les choses? aujourd'hui, non t'y pense plus. tout ça, c'est derrière toi. tu la regarde se lever, elle va ouvrir au livreur. toi tu restes dans ton siège dans lequel t'aimerais t'enfoncer. "j'ai eu le temps d'y penser," que tu souffles. t'avais essayé de comprendre pourquoi t'avais fais ça. mais impossible. à tel point que t'avais fini par croire que tu l'avais fait sans but. sans raison. si tu lui dis que t'as aucun regret, là elle sera vraiment déçue de toi. si tu lui dit que tu regrettes, peut-être qu'elle acceptera ce petit bout de ton histoire et qu'elle ne te jugera pas. quand elle revient, elle a le sachet de bouffe dans la main. tu te redresses quand elle reprend place à côté de toi. "j'me souviens même pas du pourquoi j'ai fais ça, alors je sais pas si c'est légitime de dire que je regrette. sans doute parce que j'ai fais du mal à un type qu'avait sûrement rien demandé." c'est confus dans ta bouche. t'as pas l'impression d'être très clair dans tes mots. tu grimaces avant de reprendre. "j'ai perdu cinq ans de ma vie pour une connerie. je l'ai mérité. si je pouvais revenir en arrière, je pense que je ferais les choses différemment.. mais mon problème c'est que j'ai du mal à me retenir. j'crois que tu l'as vu ce soir." le schéma se répétait inlassablement. un jour tu finiras par tuer quelqu'un et ce jour-là t'iras en taule pour de bon. t'en ressortira pas avant très longtemps. même probablement jamais.