Back to black [Oskam]

lèvres plissées quand ton regard se pose sur elle. sur scène, à côté de son piano. qu'est-ce que tu fais là d'abord? à coup sûr, c'est l'alcool déjà engloutit qui t'a mené jusqu'ici. tu t'es laissé convaincre de venir à ce concert en plein air. par dieu sait qui d'ailleurs. sûrement que t'en avais entendu parler, ou que t'avais trouvé un de leur tracts dans la rue. la disparition des deux gamines, t'en entendais parler à longueur de journée. jusque chez le notaire, quand t'étais allé signer les derniers papiers. la maison de nikki enfin vendue, te voilà débarasser d'un fardeau. il t'en reste encore bien assez, suffisamment pour que tu ressentes le besoin de vider la bouteille de whisky que t'as dans la main. il en reste qu'un fond. t'es tourmenté mais pas encore saoul. il t'en faut plus pour perdre pied. ce soir, t'as aucune envie d'être raisonnable. mais t'as aussi envie d'être seul. ironique parce que tu te sens déjà affreusement seul ces derniers temps. trop seul. tu t'adosses à l'un des rares arbres présents dans le paysage, un peu à l'écart de la foule. ton regard vagabonde entre la scène et la buvette. l'amour et la débauche. ton coeur se serre à chaque fois que kamila entre dans ton champs de vision. que son visage apparaît. vraiment, qu'est-ce que tu fous là oskar? pourquoi tu restes, si ce n'est pour te faire encore plus de mal? tu ne l'avais pas entendu jouer du piano depuis des mois. ni entendu chanter depuis si longtemps. elle a un talent fou et t'es probablement le seul ici, parmi cette foule, à le savoir.

@"Kamila Monroe"

t'as passé la soirée à l'observer derrière son piano. déçu de ne pas l'avoir entendu chanter. de ne pas avoir surpris sa voix s'élever dans les airs. à la place, ce type s'était approprié ses chansons. les compositions de kamila, tu les avais bien reconnus. comme elle t'avait reconnu aussi, parmi la foule. malgré ce masque d'homme fatigué et brisé que tu portes depuis des semaines. las, à bout de devoir combattre le destin. une vie que tu refuses de mener de cette manière; qui n'est pas toi, qui ne te ressemble pas. beaucoup trop douloureuse pour un seul homme. arriver bien alcoolisé, partir complètement saoûl. à la limite du coma éthylique. tout ça pour oublier, ne plus rien ressentir. ressembler au monstre qu'elle avait dépeint la dernière fois, quand elle t'avait quitté. envoyé bouler sans prendre la peine de t'écouter. deux mois que tu ne l'avais pas revu. ni reçu aucune excuse de sa part, elle devait sans doute encore croire que c'était toi le méchant de l'histoire. toi, le responsable de votre séparation. le seul responsable de vos deux coeurs brisés. à moins qu'il n'y ait que le tien? l'ivresse dans laquelle tu te trouves te rend aigri, désagréable. tu es de mauvaise compagnie ce soir. encore plus que d'habitude. tu as la rancoeur amère. à la fin du concert, tu préfères t'éclipser. fuir pour ne pas avoir à la confronter. de toute façon vu ton état, cela ne servirait à rien. le duel de regard que vous avez mené tout au long de la soirée avait fini par t'user. te ronger les os, alourdir ta peine. comme si à chacun de ses regards, elle t'accusait encore plus d'avoir jouer avec elle. t'oublieras jamais la façon qu'elle avait eu de te regarder ce soir là. cette haine, cette colère, ce dégoût dans ses prunelles vertes émeraudes. ses lèvres qui te crient que t'es personne, que t'es vide, que tu vaux rien. effrayé tel un gosse à l'idée que ça recommence, tu préfères t'enfuir. tu titubes en direction du parking, incapable de marcher droit. ce soir, les organisateurs se sont bien enrichis grâce à toi. au moins ta peine aura servi à quelque chose. tu vois trouble, t'as la tête complètement à l'envers. tu manques de t'écraser au sol quand quelqu'un te rattrape. "ça va, je vais bien.. j'ai pas besoin d'aide!" que tu dis de ta voix de saoûlard. l'haleine plus qu'alcoolisée, t'es maussade. "je vais bien, j'peux rentrer tout seul..ooh.." tout tourne autour de toi. ton poids d'homme imbibé pèse sur les épaules de l'inconnu(e). au début, tu ne reconnais même pas la voix familière de cette personne alors que t'avais espéré l'entendre toute la soirée. tu essayes de la repousser, clâmant que tu pouvais te débrouiller tout seul. après tout, tu l'avais toujours fait, t'avais besoin de personne. "j'ai pas besoin d'vous, laissez moi.." et au fond t'as un peu honte aussi d'apparaître ainsi. de passer pour un type imbu de lui-même, égoïste et qui se fout royalement de la raison pour laquelle toute la ville s'était réunie ce soir. tout ça à cause d'une fille ou deux.

@"Kamila Monroe"

l'inconnu(e) ne veut pas te lâcher, te laisser. seul, en proie à tes démons. comme si cette personne pouvait t'aider à te sentir mieux. personne ne peut t'aider. t'es en plein deuil. t'as été tellement égoïste par le passé, que la vie avait enfin décidé de te faire payer. toutes ces disputes entre toi et nikki, toutes ces horreurs balancées aux visages l'un de l'autre. plus les jours passaient, les semaines même. plus tu te sentais responsable, coupable de sa mort. tu l'avais souhaité tellement de fois par le passé. tu voulais tellement être débarassé d'elle que maintenant que tu l'étais vraiment, tu ferais tout pour ne serait-ce que la revoir cinq minutes. retrouver la complicité que vous aviez en étant gosses. elle avait raison, le revers de la médaille allait forcément finir par te revenir en pleine de gueule. telle une gifle. douleur exacerbée par le rejet de ton ancienne petite-amie. mot que t'aurais jamais cru prononcé un jour. plus seul que jamais. détesté par la fille dont t'étais finalement tombé amoureux. qui t'avait eu comme un bleu. des sentiments qu'aujourd'hui tu avais préféré négliger, enfouir, recouvrir de ce liquide ambré. quelques personnes te regardent, te critiquent. tu les entends, tout autour de vous. toi, au bras de ta sauveuse. kam. kamila. quand t'entends son prénom, ton coeur bondit dans ta poitrine. qu'est-ce qu'elle te veut encore? t'es pas assez mal, c'est ça? il faut en plus qu'elle vienne en rajouter une couche? ses bras autour de toi, t'as l'impression de suffoquer. comme si l'alcool présent dans ton estomac trouvait son chemin jusqu'à tes poumons. t'as l'impression de manquer d'air. ses bras frêles te serrent si fort. ou alors c'est toi qui te presse contre elle, venant chercher le réconfort que t'attendais depuis des semaines. que dis-je, des mois. "kam.." ça te fait tout drôle de prononcer son prénom. "j'pas besoin de toi, ni de ton aide. laisse moi.. dégage. j'veux pas de ton aide, ni de ta pitié. d'toute façon.." tu hoquettes, ne finissant pas ta phrase. de toute façon, elle en avait rien à foutre de toi. elle se moquait de savoir comment t'allais. elle essayait seulement de se donner bonne conscience. tu pourrais crever dans un coin qu'elle s'en foutrait. t'es personne. t'es un monstre. t'es le pire de tous. tu mérites même pas qu'elle s'inquiète pour toi. et tu ne veux pas. tu refuses de lui dire que c'est en partie à cause d'elle. tu refuses qu'elle le comprenne. votre rupture, l'élément déclencheur de cette douloureuse phase dans ta vie. pourtant, putain qu'est-ce qu'elle te manque. t'as beau essayer de la repousser, de toutes tes forces, elle ne cède pas. elle te traîne sur le parking, te subtilise les clés de ton bolide et t'attaches sur le siège passager. tu continues de ronchonner, lui balançant des reproches dès que l'occasion se présente. à coup de "t'sais rien", "t'sais pas c'que j'vis", "ça t'regarde pas"... entrecoupés de petits bruits oesophagiens. l'alcool remue dans ton estomac. quand elle démarre le moteur de ta voiture et accélères, t'es sur le point de rendre tes consommations de la soirée. d'un geste vif, tu portes ton poing à tes lèvres et ravales tout. puis elle roule quelques minutes, un moment. les images défilent devant tes yeux, les lumières des lampadaires les agressent. puis quand elle tourne sur une route abîmée, les secousses de la voiture t'arrache une injure. "put'". t'es mal, très mal. elle comprend et immobilise quasi-instantanément la voiture. t'avais beaucoup trop bu et l'envie de gerber revenait déjà. tu ne perds pas de temps et détaches ta ceinture, ouvres la portière dans le seul but de répandre sur le bitume l'intégralité de ce que contenait ton estomac.

@"Kamila Monroe"

t'aimerais qu'elle te laisse tranquille, qu'elle te laisse là. sur le bord de la route, le nez dans ton vomi. de toute façon, ces derniers jours, tu n'es plus que l'ombre de toi même. tu es aigri, brisé. parfois imbuvable, détestable quand tu t'y mets. et toi, tu mérites mieux qu'une gonzesse comme elle. son manque de confiance, ça avait été la goutte de trop. tout ça, c'était trop pour toi. cette façon qu'elle avait eu de te repousser. de te quitter. parce que tu me fais souffrir, avait-elle dit. qu'elle ne pourrait plus jamais te faire confiance ou te regarder en face. parce que tu l'avais soit-disant trahie. trompée. elle était tellement loin de la vérité. pourtant oui, t'aurais pu. l'ancien toi l'aurait fait. la tromper, sûrement même plusieurs fois. aujourd'hui, tu ne sais même pas si tu veux encore qu'elle voit le vrai toi. celui que tu es devenu. le gars prêt à souffrir pour une fille. à cause d'une femme. comme si t'étais prêt à mettre ta fierté de côté pour elle. ou pas. sûrement pas sous l'emprise de l'alcool en tout cas. ce poison te rend mauvais, exécrable, repoussant. là t'allais à coup sûr la dégouter. à moins que tu lui fasses pitié? après avoir rendu tout ce qu'il était possible de rendre, tu te redresses légèrement et croises son regard. elle est accroupie devant toi et ta marre de dégueulis. très peu ragoûtant honnêtement. ni même sexy. elle porte ses mains près de ton visage et passe ses doigts dans tes cheveux. tu la regardes comme un débile. tu lui fais pitié, ça se voit. mais putain ce qu'elle est belle. la regarder enfin de si près. croiser son regard émeraude. elle te fait tourner la tête. à moins que ce ne soit l'alcool? elle essuie tes lèvres avec toute la douceur que tu lui connais puis te tend une bouteille d'eau. t'as plus soif, tu secoues la tête mais elle insiste. plus têtue que toi ce soir. alors t'avales quelques gorgées, douloureuses d'ailleurs. les reflux de l'alcool ayant irrité ton gosier. "j'ai pas besoin de ta pitié kamila. laisse moi là, j'me débrouillerais pour rentrer." vous n'étiez plus si loin d'amarillo boulevard. t'arriveras bien à te traîner jusqu'à ton lit. au pire tu dormiras sur le trottoir, ça te fera du bien. l'air frais te changera les idées. ou te les rafraichiras. elle pose à nouveau ses mains sur toi, ce coup-ci tu as un mouvement de recul. tu ne veux pas qu'elle te touche. qu'elle te materne ou prenne soin de toi. "c'est bon, j'vais marcher, j'peux rentrer à pied. t'peux partir.." tu te lèves de ton siège, sautant sur tes deux pieds. la gravité fait son effet, l'alcool aussi. tout tourne autour de toi, tu te cramponnes à la carosserie pour ne pas tomber. t'es plus mal en point que ce que tu pensais. tu grommelles puis soupires. "j'avais juste soif, c'est rien hein. ça va.. j'ai plus l'droit de m'amuser?" tu lèves les bras en signe d'indignation, dédramatisant la situation. t'amuser, c'est ce qu'elle t'avait reproché la dernière fois. et là, elle allait encore le faire, pour sûr. "oh quoi que.. j'aurais peut-être dû suivre c'te fille.. ouuh.." tu parles lentement, faisant quelques pas pour t'éloigner d'elle. tu tangues sur tes pieds, gardant les bras levés pour t'équilibrer. "p'tain j'ai envie d'baiser!" tu souffles à toi-même. un peu fort. puis tu tournes la tête vers elle. est-ce que c'est une invitation que tu lui fais? de toute façon elle voulait déjà plus de toi. et elle voudra encore moins d'un ivrogne dans ton genre.

@"Kamila Monroe"

elle te sermonne alors que tu t'éloignes de la voiture en direction d'amarillo. enfin c'est ce que tu crois. t'as tellement bu que t'as même aucune réelle idée d'où tu te trouves. si tu marches en direction du nord ou du sud. si tu vas dans la bonne direction. tu titubes sur la route. si un flic décide de passer par là, tu te feras arrêter à coup sûr. ivresse sur la voie publique. tu zigzagues en parlant tout seul. "elle sait pas c'qu'elle rate.. hein... aaah.. ooh.. jooolie voiture..." en pointant du doigt une voiture qui passe à côté de toi. tu continues d'avancer tout en ignorant kamila dans ton dos. elle te suit pourtant. elle est trop protectrice, t'as pas besoin d'elle. t'as pas besoin que quelqu'un veille sur toi. "ouuuaais" tu gueules alors qu'un type klaxonne à côté de vous. les feux des voitures se croisent et t'éblouissent. tu lèves le bras pour protéger tes yeux mais tes pas dévient sur la chaussée. kamila crie ton prénom avant de venir abattre ses mains sur toi. elle te tire violemment en arrière. tu bascules et perds l'équilibre. kamila aussi. elle t'emporte dans sa chute. ou c'est toi. pas d'importance. ton corps vient taper violemment le bitume. tu ressens une douleur vive dans le bas du dos. tu ronchonnes alors qu'elle continue de t'engueuler. sa voix furieuse agresse tes oreilles. tu soupires. "un d'plus, c'pas grave.." tu manquerais à personne. famille martel décimée. le cadavre de ta soeur encore tiède. c'est encore trop récent. ton deuil inachevé. phase dépressive de la perte d'un être cher. ce sentiment de culpabilité quasi-quotidien, de solitude. un état que personne ne comprend autour de toi. que tous ignore. que personne ne voit mais qui te consume pourtant lentement de l'intérieur."shh.. pousse toi, t'es lourde... " et tu la repousses alors qu'elle te menace de te traîner par les cheveux jusqu'à la maison. tu te fais gronder comme un gosse et t'en fais qu'à ta tête. gosse incompris. tu te relèves tant bien que mal, te redresses sur tes genoux puis sur tes pieds. tu croises son regard noir. elle est agaçée, en colère. "p'tain, t'es chiante.. tu m'saoules.." vous m'saoulez tous. alors tu capitules et retournes vers la voiture en traînant les pieds. comme le gosse puni et boudeur que t'es. "t'as rien d'autre à foutre.. d'toute façon, j'le sais.. j'sais qu'tu m'détestes..." et elle ne faisait que perdre son temps avec toi. elle avait raison, t'en vallait pas la peine. rien de tout ça n'en vallait la peine.

@"Kamila Monroe"

tu reprends place sur le siège passager, tu n'écoutes rien de ce qu'elle te dit. t'as l'esprit ailleurs, trop alcoolisé. t'es trop bourré pour débattre avec elle, pour ne serait-ce que parler. déjà que t'es pas très bavard à la base. l'alcool te fait perdre toute notion du temps. il fait nuit mais tu ignores quelle heure il est. si c'est encore le soir ou bien le matin. si c'est déjà le week end. t'as déjà oublié tout de ce qu'il s'est passé aujourd'hui. journée noyée dans l'alcool. noyer ta peine, pour rien, parce qu'elle semble toujours là. quelque part, en surface. même si tes mots ne sont pas clairs, ils sont empreints de douleur. noyer son chagrin dans l'alcool n'a jamais été une bonne idée. en soit, ça ne te sert même à rien. si ce n'est devenir un gars que tu n'es pas. plus. que tu n'as pas été depuis un moment. t'as resombré dans ce travers. cette bouteille de whisky, l'allongement naturel de ton bras et de ta main. ce poison coule à présent jusque dans tes veines et t'assommes. toi, le grand gaillard que t'es. somnolant déjà quand la voiture se gare devant chez taïssa. bientôt tu ne vivras plus là. bientôt tu quitteras la luxure et l'oppulence de ce quartier, de cette maison pour aller te terrer dans un petit appartement plus modeste. plus en adéquation avec le personnage disons. en tout cas, ce soir les voisins pourront encore se régaler de te voir rentrer dans un état lamentable. au bras d'une fille qu'ils n'ont même sûrement jamais vu dans le coin. demain matin, tu seras encore la source de tout les ragots du quartier. tes folies sur toutes les lèvres. et comme d'habitude, t'en as absolument rien à foutre. allez chier les voisins, comme tu dis souvent à taïssa.

kamila te traine à l'intérieur. ton poid d'âne mort sur ses épaules. buffle que t'es, tu l'écrases. tu manques de tomber, et d'à nouveau l'emporter dans ta chute. t'es épuisé. fatigué par la situation, les derniers évènements; fatigué par l'alcool. une bonne nuit de sommeil te fera du bien. d'ailleurs, sans trop que tu t'en rendes compte, kamila te met au lit. pardon, rectification, c'est bien ce qui me semblait. tu t'écroules sur le matelas en soupirant. soupir d'aise, de satisfaction. retrouver le moelleux de ton lit, les draps d'un blanc immaculé. une odeur de propre réconfortante en temps normal mais qui là pourrait tout aussi bien te coller la gerbe. et ta kamila dans les bras, ses mains posés sur ton torse. son poids plume t'écrase à peine. ta tête calée dans le trou entre les deux oreillers, tu respires son parfum. t'es bien là. "hmm.." t'adores son parfum. si fleuri, si féminin. si kamila après tout. t'avais oublié cette odeur. d'un manque étonnant, tu renifles l'odeur de ses cheveux tout en passant tes bras autour d'elle. tu viens la serrer tel un ourson en peluche. douceur et chaleur. réconfort. la sensation de ne plus être seul dans ce trou noir. ce trouble permanent dans lequel t'es empêtré jusqu'au cou. trouble invisible, psychologique, presque maladif. enfin, tu te sens apaisé. et bien, euphorique alors que tu sombres progressivement dans le sommeil. "hmm...bébé.." tu chuchotes doucement. "...j't'aime..." tu avoues, dans un dernier souffle, d'une voix quasi-imperceptible. moment suspendu dans le temps, incontrôlé et incontrôlable.